"La guerre avons, mortalité, famine
Bref misère domine
Nos méchants corps dont le vive est très court"
Bref misère domine
Nos méchants corps dont le vive est très court"
Jean Meschinot dans Lunettes des Princes (1461-1464)
L'homme du Moyen-âge évolue dans une perpétuelle angoisse de la Mort et
le rappel de la brièveté de sa vie. Dès le XIIe siècle les arts se font
le reflet de ces préoccupations quotidiennes représentant la Mort en
toute occasion.
L'art macabre alimente une abondante littérature dont le Dit des trois morts et des trois vifs et le Triomphe de la Mort en sont les exemples les plus connus.
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Inhumation dans le charnier des Innocents Missel à l'usage de la Sainte Chapelle (Paris) - XVe siècle |
Le courant macabre donne également naissance à une iconographie hyperréaliste qui se diffuse largement auprès des populations par son caractère universel.
Toutes ces illustrations ont la même finalité: rappeler le caractère inéluctable de la mort et l'importance de se préparer au trépas.
Toutes ces illustrations ont la même finalité: rappeler le caractère inéluctable de la mort et l'importance de se préparer au trépas.
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Une des 17 gravures sur bois de la Danse macabre du cloître des Saints Innocents publiée en 1485 |
Au XVe siècle la "danse macabre", où se mêle vivants et morts sans distinction sociale, marque l'apogée de ce courant artistique. Inspiré des "Mystères" du théâtre populaire le thème est représenté en 1424 sur les murs du charnier des Saints-Innocents à Paris. Disparu depuis il est connu grâce aux copies réalisées par l'imprimeur Guyot Marchant qui les diffuse dans toute l'Europe.
L'Aître de Brisgaret et sa riche iconographie s'inscrit pleinement dans ce contexte.
Un document exceptionnel conservé à la bibliothèque municipale du Havre dresse un inventaire complet des représentations sculptés sur les piliers de la galerie.
Il s'agit du journal d'Amandus Roessler, jeune havrais féru d'histoire. En 1860 il relate avec forces détails sa visite de l'aître de Brisgaret et réalise les premiers croquis connus des décors présents.
Les décors présents illustrent trois thèmes majeurs de l'imagerie mortuaire:
Un document exceptionnel conservé à la bibliothèque municipale du Havre dresse un inventaire complet des représentations sculptés sur les piliers de la galerie.
Il s'agit du journal d'Amandus Roessler, jeune havrais féru d'histoire. En 1860 il relate avec forces détails sa visite de l'aître de Brisgaret et réalise les premiers croquis connus des décors présents.
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Extrait du journal d'Amandus Roessler à la date du 13 août 1860 volume VII-X, cote MS711 ©Le Havre, Bibliothèque municipale |
Les décors présents illustrent trois thèmes majeurs de l'imagerie mortuaire:
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Squelette portant une faux ©Ville de Montivilliers |
Squelettes, os longs, cranes et outils de fossoyeur
Les représentations renvoient à la fonction première du charnier, lieu d'ensevelissement des corps et cadre de leur transformation. Les détails macabres sont particulièrement explicites quant à la finalité de l'existence.
Trois squelettes présentés dans des postures différentes rappellent l'égalité de tous face à la mort.
Trois squelettes présentés dans des postures différentes rappellent l'égalité de tous face à la mort.
La croix ©Ville de Montivilliers |
Croix, échelle, colonne, fouet et branchages de la flagellation, couronne d'épines, clous, marteau, tenaille, éponge
Dès le Xe siècle les instruments de la souffrance du Christ sont un thème récurent de l'iconographie traditionnelle de l'occident chrétien. Au Moyen-âge toute la population connaît ces images et leur signification: seule la piété parfaite permet d'atteindre le Paradis.
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Les instruments de la Passion Livre d'heure de Jean de Boucicaut vers 1408 |
Symbolisant le cheminement de Jésus vers la croix et vers la mort la Passion telle qu'elle est présentée à l'Aître de Brisgaret s'apparente à un chemin de croix en direction de la chapelle.
Les saints
Au Moyen-âge les saints guérisseurs font l'objet d'une dévotion populaire exacerbée. Intermédiaires entre Dieu et les hommes, ils les accompagnent au quotidien de la naissance jusqu'à la mort. A une époque ou la médecine n'est que de peu d'aide l'intercession des saints a plus de valeur que les remèdes médicaux. L'Aître de Brisgaret étant construit à la suite des longues périodes de peste, il n'est pas étonnant d'y trouver les figures des saints traditionnellement invoqués lors des épidémies:
Saint Roch accompagné d'un ange ©Ville de Montivilliers |
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Saint Roch dans l'église de Saint Sulpice de Palluau (Indre) |
Montrant la plaie sur sa cuisse droite il est accompagné d'un ange et d'un chien (très endommagé on en devine seulement la patte). Saint traditionnellement invoqué lors des épidémies de peste, son culte est très présent en Normandie tout au long du Moyen-âge,
Martyre de Saint Sébastien ©Ville de Montivilliers |
Saint Sébastien
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Saint Sébastien dans la cathédrale de Beauvais ©Inventaire Général |
Saint Sébastien est un des quatre grands saints anti pesteux avec Saint Roch, Saint Adrien et Saint Antoine. Ce dernier peu populaire en Normandie ne semble pas présent à l'Aître de Brisgaret.
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Saint Adrien ©Ville de Montivilliers |
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Saint Adrien au château de Martainville |
La représentation est très altérée mais plusieurs éléments laissent supposer qu'il s'agit effectivement de Saint Adrien. Représenté à proximité de la chapelle il est vêtu à la manière des nobles du XVe siècle et porte une épée. Derrière le personnage on devine une masse pouvant être celle d'un animal ou de l'enclume qui est un des attributs du saint.
Saint anti pesteux il est particulièrement invoqué en Normandie et en Bretagne.
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Représentation supposée d'un pèlerin ©Ville de Montivilliers |
D'autres représentations très endommagées laissent planer le doute sur le sujet présenté. Tout au plus peut-on imaginer qu'il s'agit de représentation de pèlerins ou de pénitents comme cela est le cas dans de nombreux lieux de culte au XVe et XVIe siècle.
Croix gothique à l'emplacement de l'ancien charnier ©Ville de Montivilliers |
Elle comporte quatre imposantes statues de saints liés à la sainte parenté dont le culte connaît un grand engouement au XVe siècle. Il s'agit de Saint Joseph, Saint Jean l'Apôtre, Sainte Anne et de la Vierge Marie portant l'enfant Jésus.
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Vierge à l'enfant sur la croix gothique ©Ville de Montivilliers |