Les décors muraux

"Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !"
                                                    
François Villon dans la ballade des pendus (XVe siècle)
 
Le mur de soutien de la galerie porte encore des enduits d'origines laissant voir de nombreux graffiti mais surtout un incroyable décor macabre.

Décor mural dans la galerie
Décor mural dans la galerie © Ville de Montivilliers

Repéré pour la première fois en 1969 cette gigantesque scène a été réalisée en relief dans l'enduit encore frais entre 1530 et 1540. La technique utilisée ne permet pas de lui donner le nom de fresque d'autant qu'aucune trace de peinture n'a été relevée. D'une extrême fragilité l'ensemble des enduits ont été consolidés mais volontairement laissés sous une couche de crasse accumulée pour une meilleure visibilité.

La lecture de la scène se fait en deux temps. Elle était particulièrement édifiante pour la population fréquentant le cimetière. Située à l'entrée initiale de l'aître (condamnée par une porte) le décor se lit de la droite vers la gauche:


 Illustration d'un Trionfi,
Rouen - XVe siècle
Elle débute par un Triomphe de la Mort, motif inspiré du Trionfi du poète italien Pétrarque qui connu un formidable succès dans toute l'Europe au XVe siècle.

Représentée sous la forme d'un squelette, la Mort est assise sur un char tiré par un bœuf. Dans les représentations macabres du XVe siècle l'animal sert de monture pour mettre en avant le caractère lent  mais inéluctable de la mort.
Elle tient un dard menaçant annonçant qu'elle peut frapper à tout instant.
Le char escorté par deux cavaliers écrase toute vie humaine et il est probable que des corps de tous âges devaient être figurés sur la partie basse du décor malheureusement disparue.

Le char du Triomphe
Le char du Triomphe © Ville de Montivilliers

A la jonction des deux parties du décor, un texte, en vers décasyllabiques, explique le sens de la scène :

Texte sur le mur de l'Aître
Texte sur le mur de l'Aître (extrait)
© Ville de Montivilliers

« [A] gens d'esprit ceste figure monstre
Comme péché en […...] de monstre
Conduist la mort hideuse et redoubtée
Dessus ung char en triumphe montée
Tenant en main ung dart bien fort à craindre
Dont el occist le grand aussi le moindre
Papes prélatz contes barons et roys
Femmes hommes gisans soubz le charroy
Jeunes et vieulz n'ont cesse d'y [cour]ir
Par quoi s'ensuit que puisqu'il faut mourir
Sans rien scavoir de l'estat dans ce lieu
Garder se doibt chacun d'[offens]er Dieu
Car des pécheurs la fin est dangereuse
Mais des justes la mort est précieuse. »



  
 
La seconde partie se révèle être une Résurrection des Morts: un personnage au visage bienveillant, sans doute le Christ, délivre ses messages aux fidèles.
 
Figure du Christ © Ville de Montivilliers

Il tient une bannière sur laquelle on peut lire Ero mors tua mors, "Je serai ta mort, ô mort!" citation tirée de l'Ancien Testament. Dans son autre main un écriteau annonce  Ego sum resurrectio et vita, "Je suis la résurrection et la vie" phrase prononcée par Jésus  lors de la résurrection de Lazare.

Là encore la partie basse du décor est manquante mais on peut supposer qu'on y voyait des cadavres sortant de leur tombe. L'ensemble rappelle la tradition chrétienne selon laquelle à l'appel de la trompette des anges, les ossements épars se reconstitueront et les corps sortiront des tombeaux. Ainsi le décor  sur le mur de l'Aître présente des éléments édifiants du Jugement Dernier au XVIe siècle. A titre de comparaison il devait s'apparenter aux yeux du visiteur médiéval à la grandiose fresque peinte de la chapelle Notre Dame des Fontaines du village de La Brigue.


Le jugement dernier de la chapelle Notre Dame des Fontaines
Le jugement dernier par Giovanni Canavesio en 1492
Chapelle Notre Dame des Fontaine, La Brigue (06) © lalibre.be