Historique

Autour du monastère fondé par Saint Philibert en 684 va naître à partir du XIIe siècle une cité florissante. La population va en s’accroissant jusqu’à compter près de 4000 habitants au XVIe siècle. Pourtant la mort est omniprésente tout au long de cette période marquée notamment par la guerre de Cent Ans et les multiples destructions occasionnées mais surtout par le fléau de la Peste. Elle s’installe jusqu’au XVIIe siècle et apparaît par vagues successives dans toute l’Europe. La maladie frappe partout et notamment à Montivilliers à partir de 1436 jusqu’en 1450, faisant un nombre croissant de victimes chez une population déjà malmenée au quotidien par la famine et des conditions d’hygiène déplorables.

La nécessité religieuse d'enterrer les cadavres toujours plus nombreux, des cimetières intra-muros exigus et la volonté de limiter l'épidémie sont autant d'éléments concourant à la création d'un nouveau lieu d'inhumation. Celui-ci est édifié sur les hauteurs de la cité, loin du centre ville protégeant ainsi la population des effluves fétides.

L’Aître de Brisgaret devient le nouveau lieu de sépulture des Montivillons.

Plan de Montivilliers au début du XVIIIe siècle
Carte des frères Magin réalisée au début du XVIIIe siècle
©Ville de Fécamp – Musée des Terres Neuvas

C’est en 1477 dans une plainte au Parlement de Normandie qu’il est fait mention pour la première fois de Brisgaret. Le nom vient du faubourg dans lequel le cimetière est implanté. Il s’agit alors d’une simple parcelle de terre consacrée pour la mise en terre des défunts sur laquelle se trouve déjà une chapelle.

Comme il est de coutume au Moyen-âge la paroisse Saint Sauveur entreprend de faire construire un cloître autour du charnier afin notamment d'y entreposer les ossements des corps décharnés dans l'ossuaire situé sous la charpente. Pour des raisons inconnues une seule galerie complète est aujourd'hui visible. Son étude révèle qu'elle fut bâtie en trois temps entre 1503 et 1602. C’est également à cette époque que l’aître Saint Maclou de Rouen est établi, ses quatre galeries étant édifiées pour former un cloître entre 1526 et 1651.

Manuscrit daté du 12 mars 1484 évoquant une procession au "cymetière de Brisgaret"
Manuscrit daté de 1484 évoquant une procession
au "cymetière de Brisgaret"
©Ville de Montivilliers-
Fonds Patrimonial, Bibliothèque Condorcet
 

La Charte d'Exemption octroyée en 1035 par le Duc de Normandie Robert le Magnifique attribue à l'abbaye le contrôle des cimetières. Néanmoins leur construction, entretien et fonctionnement restent à la charge des paroissiens.
 
Cette situation n'est pas sans créer régulièrement des désaccords qui vont ponctuer l'histoire du site.

Les nombreux litiges donnent lieu à la rédaction de requêtes, de plaintes et de procès-verbaux qui apportent de nombreuses informations sur l'Aître et sur les activités liées. La fonction de lieu de culte du cimetière est au cœur des querelles. Mais les paroissiens profitent de la situation pour dénoncer plus largement les prérogatives et l'omniprésence de l'abbaye.






En 1540 les trésoriers de Saint-Sauveur en procès avec l'abbaye énumèrent les travaux qu'ils ont financé:
"lesdits trésoriers et paroissiens ont faict clore ledit cymetière de murailles et contre lesdites murailles à l'entour dudit cymetière, basti et faict faire plusieurs galeries et oratoires afin que les gens d'église et le peuple qui ordinairement y assiste, puissent y estre à couvert en faisant le service et oraysons qui journellement se font pour les trépassés."
L'inhumation - livre d'heure de 1475
L'inhumation - livre d'heure de 1475

Lors des guerres de religion les protestants de la ville alors nombreux se livrent à des actes de vandalisme dans les lieux de cultes catholiques y compris dans le cimetière associé. En 1562 la confrérie du Saint Sacrement de la paroisse Saint Sauveur relate ainsi les faits: " on y voit autour des murs d'un cimetière hors de la ville [...] en écriture gothique, les noms des saints et saintes dont ils ont brisé les images". La croix gothique et la chapelle sont également endommagées lors de ces troubles. 
Il n'existe aucune trace de la chapelle primitive détruite lors de la guerre de Cent Ans. Elle est reconstruite par la suite puisqu'en 1602 les comptes de la Fabrique mentionnent la fin des travaux. La même année elle est pourvue du retable de la Résurrection de Lazare réalisé par Pierre Larbitre. 

Par la suite peu de documents font mention de l'aître de Brisgaret. Au XIXème siècle le courant romantique provoque un engouement des élites pour les vestiges médiévaux. L'aître de Brisgaret attirent les curieux dont certains relatent pas écrit le résultat de leur visite. C'est le cas du jeune havrais Amandus Roessler dont le précieux journal est conservé à la bibliothèque municipale du Havre. C'est notamment par ce témoignage écrit que la présence d'arbres plantés dans le cimetière est connue.

Extrait du journal d'Amandus Roessler à la date du 13 août 1860 volume VII-X, cote MS711
©Le Havre, Bibliothèque municipale


En 1886, sous le mandat du maire Médéric Deschamps, l’ancien charnier dit Aître de Brisgaret est classé au titre des Monuments Historiques. En 1890 des travaux de restauration du mur de la galerie sont menés et conduisent à l’édification de contreforts afin d’assurer le maintien de la maçonnerie.
Carte postale du début du XXe siècle
Carte postale du début du XXe siècle
©Regards et Images

Mise en place des échafaudages et protections en décembre 2012
Mise en place des échafaudages et protections
en décembre 2012
©Ville de Montivilliers

Le temps fait son œuvre et appelle à la restauration de l’ensemble du site.  Un étude menée en 2006 fait état de l'urgence d'une intervention pour garantir la pérennité de l'ensemble.

Entre novembre 2012 et juin 2014 la galerie, la chapelle, la croix gothique et les décors muraux sont restaurés et consolidés sous la conduite d'un architecte des Monuments Historiques.



Cet ensemble remarquable apporte un témoignage rarissime sur le quotidien d’une population hantée par la Mort.  A ce titre l’Aître de Brisgaret est un lieu emblématique du Moyen-âge.

Consulter la notice sur la base Mérimée - Ministère de la Culture